« Octobre arrive », susurrent les lisières et les bocages dont les beaux arbustes ploient sous le poids des billes rouges et noires, chargeant l’atmosphère d’une ambiance automnale. C’est la saison des fruits sauvages et nous vous invitons à découvrir (et même apprécier !) les vertus du Prunellier et de l’Aubépine à un style.
Le Prunellier (Prunus spinosa) et l’Aubépine à un style (Crataegus monogyna) sont des arbustes de la famille des Rosacées, qui se parent tous deux d’une multitude de fleurs aux pétales blancs au mois d’avril-mai, et de petits fruits colorés, rouges ou violets, dès la fin du mois d’août. Hors période de floraison et de fructification, on peut les distinguer à leurs feuilles (petites et ovales, apparaissant après les fleurs chez le prunellier ; larges et lobées, apparaissant avant les fleurs chez l’Aubépine), ainsi qu’à leurs rameaux sertis d’épines, dont on aurait orné la couronne du Christ. Les rameaux du Prunellier, noirâtres, lui ont valu son affiliation à la sorcellerie et son surnom d’Épine noire, par opposition à l’Aubépine à un style, appelée l’Épine blanche, protectrice qui conjurait le mauvais sort.
Un peu d’histoire…
Il existe de très nombreuses légendes concernant l’Aubépine à un style et le Prunellier. Elles sont probablement dues à leurs usages anciens car dès le néolithique les fruits sont consommés et, selon les études, utilisés pour préparer des boissons fermentées. La symbolique particulière de l’épine n’est sûrement pas non plus à exclure, connaissant les anciens dont la vie était ponctuée de mythes et de rituels.
Bien ancrée à la base et s’élevant vers le ciel, l’épine représente l’union entre la terre et le ciel, reliant monde terrestre et monde spirituel, tels les menhirs : pierres levées, dont l’alignement est qualifié « d’épine dorsale » de la terre.
L’Épine noire attise souvent la peur, mais la symbolique de notre petit épineux est à double facette. Selon les époques et les cultures, les branchages et les fleurs suspendus dans la maison pourraient contrer les événements funestes, et deux épines en croix liées entre-elles par un fil rouge feraient un puissant talisman. Pour d’autres, cette épine aurait prêté ses rameaux pour confectionner l’attirail maléfique des mages noires : potions diverses, balais et « baguette noire » des redoutables sorcières du Devonshire, ainsi que ses épines, qui, plantées dans des figurines de cires servaient à jeter de mauvais sorts.
L’Épine blanche jouit en revanche d’une noble réputation. Déjà dans la Grèce antique, on lui attribue un pouvoir protecteur. Ainsi les convives en apportaient quelques branchages en gage de prospérité lors des cérémonies de mariage. Il est de même chez les Celtes et les Romains qui accrochaient aussi du bois d’Aubépine dans les maisons et aux berceaux des nouveaux-nés pour éloigner le mauvais sort. Depuis l’avènement du christianisme en Europe, l’Aubépine est un symbole de pureté (associé à la Vierge Marie) et de renouveau. Sa floraison printanière lui a valu le nom de « bois de mai », et les cenelles (fruits) sont appelées « poires du seigneur » ou « poires à bon dieu ».
Propriétés médicinales et alimentaires
Les deux épines peuvent être utilisées en phytothérapie.
Les feuilles du Prunellier sont réputées pour leurs effets diurétique, dépuratif et sudorifique permettant de lutter contre les affections des voies urinaires, la rétention d’eau, la goutte ou les œdèmes. Il est dit de l’infusion de fleurs qu’elle est le laxatif le plus doux et naturel qui soit. Cette tisane peut aussi être utilisée comme antitussif. Du fait de leur richesse en tanins et en vitamine C, les fruits sont antioxydants et toniques.
Les feuilles, les fleurs et les fruits d’Aubépine sont réputés pour leur capacité à guérir les troubles cardiaques bénins et à régulariser le rythme du cœur. Ils rendent les vaisseaux sanguins plus résistants et conviennent aussi aux personnes stressées en proie aux insomnies, par leur action sur le système nerveux. On les met également à profit pour apaiser les symptômes de la ménopause.
En cuisine, ce sont les fruits qu’on utilise particulièrement pour confectionner divers condiments salés, comme les « olives de prunelles » ou les sauces à base de cenelles pour accompagner le gibier. Dans certaines régions, il est d’usage de les faire fermenter pour produire des vins et boissons médicinales. La célèbre « liqueur de prunelle », obtenue par macération des fruits du Prunelier dans de l’alcool avec du sucre, a une agréable odeur d’amande et de cerise. On en fait aussi des desserts : tartes, biscuits, confitures, etc. Cependant il faut attendre que les prunelles, très acides et astringentes, aient subi les premières gelées avant de les consommer.
À votre santé !